vendredi 25 octobre 2013

Vous reprendrez bien un peu de métaphysique avec votre thé ?

Sa réflexion creva les digues qui retenaient encore la causerie de dériver vers la métaphysique. P. aussi bien que T. brûlaient d'envie de s'élever vers ces considérations sublimes qui prétendent concerner l'humanité et même le cosmos, mais où nous déguisons notre irrépressible besoin de parler de nous encore et toujours, de nous jusqu'à extinction de la pensée.

Francis de Miomandre, Écrit sur de l'eau.

mardi 22 octobre 2013

Miroir sans teint

J'ai commencé à lire, dernièrement, un de ces livres légers qu'on dirait écrits au fil de l'eau. J'ai tenu deux chapitres, avant de songer que le roman m'était tout à fait indifférent. À présent, il repose, un peu loin de moi - et déjà je me demande : vais-je le continuer... ? Ça n'est pas la première fois que cela m'arrive. Il me semblait pourtant que j'aimais ce genre de littérature... Qu'y a-t-il dans le destin de tous ces très jeunes hommes – catalogue de poses – qui m'éloigne presque malgré moi ? Mes romans préférés ne sont-ils pas tous des initiations amoureuses ? N'ai-je pas moi-même dans l'idée de conter par le menu les petites aventures d'André de Ferval, le dernier de la dynastie – si j'ose dire... ? 

Puis cela a pris tout son sens, d'un seul coup. Peut-être même ai-je cerné, a posteriori, ce qui me déplaisait dans mes propres tentatives. L'art de la désinvolture est bien plus difficile à maîtriser qu'on ne le pense et à trop voiler sa sensibilité, on éloigne le lecteur en voulant être détachés nous-mêmes. On l'a enfermé dehors – pas de chance ! – dans un point de vue nécessaire lointain, toujours railleur... et sans affection pour le pauvre personnage qui s'agite, au loin, dans son bocal - fût-il de très bonne volonté.

L'excès de pathos est malheureux, et le mélodrame est passé de mode - du moins aimerions-nous que ce soit le cas. Mais la pudeur du sentiment peut mener à l'excès inverse. À trop minimiser l'impact - la résonance – que les événements eurent en moi, ne suis-je pas en train de les affadir ou de les effacer... ? Je n'aime rien de plus que les émotions estompées – beauté du paysage que l'on devine magnifique derrière ses brumes - mais ne risqué-je point de le faire disparaître et d'égarer mon lecteur ? Derrière le brouillard, peut-être n'y a-t-il rien ; pourquoi poursuivre, puisqu'il fait si froid autour ? Rentrons, cela vaudra mieux... Peut-être que si je ne m'attache pas aux heurts sentimentaux de Jacques de Meillan ou de Guinoiseau, c'est parce que je ne les décèle plus qu'à peine, sous l'ironie et la blague... Et à force de me que tout cela n'a pas d'importance, j'ai bien peur que le narrateur m'en persuade... N'était-ce point le but, pourtant, de ce détachement forcé ? Peut-être... Peut-être aussi cela n'a-t-il de sens que lorsque c'est un mauvais mensonge... un mensonge auquel on ne croit jamais tout à fait. Rien ne me touche plus que ce voilement léger, cette pudeur douceâtre, cette ironique tragique... si celles-ci cachent quelque chose. Je n'aime rire des ridicules de Vallonges que lorsqu'intérieurement, il meurt d'amour ou d'amertume – au moins un petit peu.

samedi 19 octobre 2013

Nuit polychrome


Nuit polychrome


    Longtemps, je me suis couchée de bonne heure - … n’est-ce pas. C’était peut-être la meilleure façon – la plus acceptable – de recréer le silence. La lumière éteinte, je me blottissais sous les couvertures et, d’un rapide coup d’œil, j’embrassais ma journée. Je suivais le fleuve long et lourd des heures d’ennui – de cette attente de je-ne-sais-quoi qui ne cessait jamais – et j’établissais, d’un geste sûr, la cartographie de mes échecs et le bilan de mes fiertés. Puis, sans fatigue, dans l’oisiveté silencieuse de la chambre éteinte, j’attaquais les choses sérieuses. Ce qui ne me plaisait pas, ce qui m’avait blessée prenait d’abord trop d’importance : je l’amplifiais par la force de l’imagination et, de quelques détails infimes, je créais de l’angoisse. Je courrais jusqu’au bout de la logique et du fantasme, et c’était comme si je jouais au bord d’une falaise, les yeux entreclos, dans le ferme espoir et la crainte attentive de faire un mauvais pas. Puis l’histoire me dépassait ; elle allait plus loin que moi – je l’avais trop chargée, et elle filait, comme entraînée par son propre poids. Alors d’un coup, je cessais l’esquisse, déchirais la feuille. Souffler. La douleur avait exorcisé l’amertume. Je pouvais passer à autre chose.

C’était ce moment-là que j’attendais toujours. C’étaient des songeries indéfinies, des histoires à n’en plus finir, parfois des réécritures mentales. Après avoir dévidé les bobines mal enroulées du quotidien, je filais sur mes rouets imaginaires des destins fabuleux, des récits fantastiques. Je me perdais avec joie dans les projets les plus fantaisistes et les plus audacieux. Je réécrirais les grands livres du monde, les classiques de ma littérature. Je me promettais un jour de réécrire La Fontaine, avec mes mots nouveaux – pour réparer l’injustice des animaux oubliés. Par fantaisie, la cigogne devenait un pingouin et le héron rien moins qu’un dromadaire – Mais quel dromadaire eût dédaigné les rares oasis qui se seraient présentés à lui dans le désert… ? Sans que je le visse, la condamnation de l’orgueil était devenue celle de l’idéalisme aride. C’était à la fois naïf et pas si mal trouvé. – Puis cela continuait… Je domestiquais un petit animal sauvage trouvé en forêt – loin des hommes, qui criaient et vivaient si fort. Il n’y avait que moi qui ne l’effrayait pas, et l’on se retrouvait, noyés de verdure, à se confier des secrets qui n’existaient pas. C’était tantôt un renard, tantôt un écureuil – ce dernier ayant l’immense avantage de pouvoir se percher sur mon épaule et lover son museau dans mon cou. Et puis c’était autre chose encore – peut-être même bien n’importe quoi, quand le sommeil commençait à l’emporter et que je tombais, doucement, dans la logique des rêves. Parfois, cela se voulait profond. Je me mettais à réfléchir – à ce que c’était que l’homme, au sens de la vie. C’étaient des questions trop grandes pour moi et je les saisissais de mes mains d’enfant, comme je pouvais. Avec maladresse et gravité…

………………..Bruit sec, un peu ridicule. J’ouvre les yeux. Un sursaut dans mon sommeil – je m’étais donc endormie ?! – et j’avais renversé le petit gobelet d’eau posé sur ma table de nuit. Autour, une figurine, un jeu de cartes, des babioles - noyés dans le désastre. Ma mère accourt, et ses mots – la lumière – l’agitation dissipent les songes, trop vite. Si vite oubliés, les projets, les inspirations ! Perdus pour jamais ! Tandis que ma mère arrange les choses, essuie le sol, repose le gobelet plein un peu plus loin, plaisantant ma maladresse… dans ma tête, c’est un vide, une latence – parenthèse.

 (Neige sur l’écran, brouillages sur la fréquence)

Et puis elle s’en va et dans le monochrome de la chambre éteinte, bien au chaud entre les draps, je souris. Sur le sol, les rayures des persiennes ont dessiné un zèbre invisible. Qu’importe si tout s’arrête encore, qu’importe si j’oublie ou si le sommeil – ou la vie – viennent encore tout interrompre.

C’est pas grave : je pourrai recommencer.

Les morceaux choisis : échos intérieurs

Ce sont d'autres lèvres,
C'est un autre sourire
Si j'approche de vous.
Ah mon regard vous change
Vous rend méconnaissable
Même à vos familiers.
L'on s'étonne de vous
Au milieu de la pièce
Et prise alors de peur
Vous baissez les paupières
Sur des yeux inconnus.
De tremblants centimètres
Nous séparent à peine
Et je me sens aussi devenir étranger. 
Il vous faut consentir
À me perdre à mon tour
Moi dont vous étiez sûre
Plus encor que de vous.
Et plus l'on se regarde
Plus vite l'on s'égare
Dans les sables de l'âme
Qui nous brûlent les yeux.

Jules Supervielle, (sans titre), Les Amis inconnus

mardi 15 octobre 2013

Paulina 1880 de Jouve

Paulina jeune fille aimait surtout dans les églises les supplices des Saints. « J'allais à l'église pour les regarder souffrir. » Elle voyait les martyrs dans les vieilles fresques à la fois lus vraies, plus horribles que la vie, mais parfaitement tranquilles, apaisées et devenues belles, tandis que le soleil éclatant grisé de poussière à midi pesait de toute sa force sur le parvis de l'église pour essayer de franchir le velum tendu dans la grande porte et défendant le demi-jour de la maison de Dieu. A San Maurizio, il y avait le martyre de sainte Catherine et celui de saint Maurice, mais dans mainte autre petite église cachée parmi les quartiers populeux, ce n'étaient que bruit de sanglots, égouttement de sang, agonie, et béatitude enfin sur le visage du Saint. Paulina ne savait pas ce qu'était la peinture et elle ne lisait jamais de poésie, mais elle adorait une image qu'elle avait : L'Extase de sainte Catherine de Sienne peinte par Sodoma, d'un amour trouble, immense et absolument intérieur  à elle-même. Sainte Catherine à genoux s'affaisse. Sa main est blessée par le stigmate ; sa main pend, elle repose chastement dans le creux des cuisses. Comme elle est femme, la pure image, la religieuse, ces larges hanches, cette douce poitrine sous le voile, et ces épaules. Ce n'est pas moi qui ferai jamais une si belle épouse, je suis maigre, pas formée pour l'amour. Le creux des cuisses signifie l'amour, mais il ne faut pas penser selon la chair, c'est une idée de Satan. Deux autres religieuses soutiennent Catherine, celles-là ne comprennent rien et ne voient rien, le monde du bonheur est fermé pour elles ; et Catherine heureuse est morte. Son visage a perdu la vie ! Elle est morte, elle est morte, aimer c'est mourir. Elle est dans la joie, elle dort. Qui m'aimerai jamais moi, qui me fera mourir ? Et Lui se retire, il vole, il s'envole. Tout le monde sait que Catherine avait épousé le Christ. Ah, si Tu pouvais, un jour, Te retirer de moi après m'avoir blessée ! Comme la Sainte est pliée en deux, et Lui comme il est au contraire raidi avec son corps qui forme un cercle, et tout-puissant avec son bras levé. O mon doux amant Jésus disait sainte Catherine. La vision de Paulina se troublait, une étrange chaleur montait de son corps à sa pensée, elle éprouvait un désir brusque d'embrasser, de mordre, de battre et d'être anéantie. Elle faisait rapidement un acte de contrition, et elle courait chez son confesseur.

Pierre Jean Jouve, Paulina 1880

samedi 12 octobre 2013

Pliures du papier sur les traces de mon idéal


Je n’ai pas en moi l’essence d’un chef d’œuvre. Il y a pourtant quelque chose qui me dit que je dois écrire – une pulsion, un élan, vers je-ne-sais-quoi. Je ne me le définis pas bien. Je multiplie les formes courtes, les paragraphes tronqués, les grandes histoires sans dénouement. Au-delà, cela ne marche plus.

Parfois, j’en viens à me demander si ce qui remue si fort, en moi, ce n’est pas la vie – ses petits mystères, ses drames du quotidien… Souvent, c'est précisément cela que j’aimerais saisir. Mais l’on tue le faon-le papillon-l’oiseau à vouloir l'attraper ; on le soustrait à son monde pour le transposer dans un environnement qui lui est mortifère. Combien de « fragments de vie », déjà, combien d’élans que j’ai pu briser à trop vouloir les décrire… ? J’en oublie de les ressentir, parfois – et cela vibre si bien dans l’agonie que je puis dire, vraiment, que j’aurais aimé le vivre, pour de vrai.

Il y a pire que cela, encore : je crois que je n’aime pas tant que ça les livres…  du moins ne les aimé-je point pour tout ce qu’ils pourraient offrir. Je les prends comme de vieux manuels de référence – la littérature comme leçon de choses (et l’on sait tous les domaines où l’homme n’a jamais cessé de tergiverser et d’apprendre…). J’y cherche des réponses à mes petits problèmes, j’y transpose aisément des situations réelle, des exemples, des souvenirs. 

Et j’envisage d’écrire comme cela, petit et simple – à ma taille ; pour ceux comme moi qui aimeraient vivre davantage et ne le peuvent pas.

jeudi 10 octobre 2013

Parenthèse contemporaine

Le temps apaise la douleur, dit-on, et puisque la chose se vérifie, nous nous imaginons que c’est la durée qui soigne, comme si l’horreur diminuait avec la distance à l’instar d’une montagne ; or c’est bien plutôt l’endurcissement de nos fibres, l’épaississement de nos muqueuses qui nous rendent peu à peu insensibles, ce cuir, cette corne qui nous séparent maintenant de l’intolérable brûlure.

Eric Chevillard, L'autofictif

« Etant donné un mur, que se passe-t-il derrière ? »



La porte a claqué et c’est devenu, dès lors, bien plus simple… Je suis resté un instant, le temps d’une inspiration, dans l’écho vengeur du désastre. J’ai soufflé – un temps. Puis j’ai fait un pas – le plus dur : sortir du néant avant de s’y noyer – et j’ai marché. J’ai accroché mes pensées aux rails d’un train qui passait, par hasard. Il s’est trouvé que c’était la bonne direction. Je ne me souviens pas même des chemins que j’ai pris – des routes traversées. Mon corps a fait le chemin, avec une autorité souveraine.

Je n’ai pas compris ce que tu m’avais demandé. C’était pas faute d’essayer, mais nos fatalités intérieures parlaient pas la même langue. Je m’essayais parfois à l’imiter, ton idéal – celui-là même que tu me présentais à demi-mots, en ombres chinoises – mais je ne parvenais, au pire, qu’à t’effrayer ; au mieux, qu’à singer les personnages fantasmagoriques qui bouffaient le mur, à l’en faire disparaître. C’était jamais comme il fallait et, quand bien même ma maladresse était à même de t’émouvoir… tu ne pouvais voir que la disproportion entre le monstre bien gentil que je te présentais, racollé de désirs contraires et d’aspirations muettes, et ce que l’on aurait dû t’offrir. On t’aimerait si on savait…

Litanie des trains qui passent – je m’éloigne, et ça n’est pas grave – …ma pensée ricoche sur les villes invisibles. C’est vrai que c’est plus simple, cette porte, entre nous. Je peux maintenant réfléchir. Je peux maintenant comprendre.

Je n’ai jamais été fort pour comprendre les autres. J’ai souvent pris des sentiments pour ce qu’ils n’étaient pas, raccrochant ensemble toutes les formes d’affection qu’on avait bien voulu m’offrir. Les couleurs n’allaient pas ensemble, mais elles m’en voulaient pas. Dans la pénombre, ça passait même plutôt bien. J’ai adoré, en vain, dans le secret des alcôves, quand on ne me voyait pas. J’ai ignoré, en presqu’innocence, ceux qui faisaient pareil… avec moi.

Je m’éloigne – et ça n’est pas grave. Dans la plus grande des solitudes – celle où l’on vit trop fort autour de toi et où tu savoures le pauvre écho de tes fééries intérieures, en autarcie – j’invente mon propre langage, je perfectionne mes interprétations. Je tourne et retourne ce que tu as bien voulu me présenter et j’essaie de le classer dans ma petite bibliothèque du souvenir. À gauche, ce qui vient du cœur, ce qui t’a échappé… avec, pour tout bien relier ensemble, un regard – un geste – un sourire. À droite, les phrases bien senties, les propositions construites, les grands débats qu’on avait parfois. Les deux vont jamais bien ensemble – ça gêne aux entournures – et je choisis de gommer, au choix, ce qui me semble le moins défini, ce que je trouve le moins pertinent... Peut-être qu’au fond, tout donne un tableau cohérent et que je n’ai pas trouvé l’angle adéquat – la distance nécessaire – pour le voir. J’ai compris ton affection en anamorphose.

Mais il suffira d’un pas de côté, d’un mouvement de tête – et je perdrai tout. Ne resteront plus que les aplats de couleurs, les souvenirs épars, dans un classement sans suite. J’aurais voulu connaître ce que tu attendais de moi – je me serais employé à y correspondre, douloureusement. Tu me connais, j’en suis capable. Peut-être est-ce justement pour cela que tu as si bien observé le silence… Je ne devais pas connaître la réponse : je me serais senti obligé d’y coller, en toutes circonstances, et j’aurais découpé de mes propres mains tout ce qui dépassait – sans rien dire. Peut-être que dans mes silences avortés, dans ce que j’aurais si volontiers jeté aux ordures, il y avait quelque chose que tu aimais… Quand bien même t’aurais pas dû.  

…Litanie des trains qui se croisent – je m’éloigne… Tu sais, peut-être que j’aurais bien aimé que cela ait été grave. Les drames, même anodins, ont cela de rassurant qu’ils laissent une empreinte, quelque part. Les autres, ceux qui ont frappé trop fort et qui partent en laissant, derrière eux, des rivières mortes et des cicatrices… ils seront toujours là. Mais moi… À trop vouloir arrondir les angles, à toujours estomper les contours, j’ai peur que tu m’oublies... Me diras-tu un jour quel visage a mon souvenir ?

Je revois cette porte qui s’est refermée entre nous – soupir du bois, cri du loquet. Rien, puis le silence… Grâce à elle, je fais maintenant de nous ce que je veux. Je peux t’imaginer tous les regrets possibles – espérer des silences étudiés, à l’image des miens ; des gestes qui s’indisposent, des indifférences fardées. Toute une hypocrisie à rebours – celle du sentiment qui ne se dit pas. C’est construit sur rien – je ne me souviens même plus des derniers mots échangés – et ça a des bases fragiles. Mais cela me permets de parer mon regret de façon à pouvoir le contempler à loisir : la tristesse de l’occasion manquée plutôt qu’autre chose.

Peut-être, derrière cette porte, ne penses-tu déjà qu’à autre chose – des projets à n’en plus finir, des amis et des femmes, la frénésie et l’angoisse. Peut-être ne gardes-tu de tout cela qu’un reste d’indifférence polie,  sans mesquinerie ni persiflage – juste… un vague sentiment de lassitude et d’ennui. Qu’importe, au fond. Je ne puis imaginer que ce que je suis en mesure d’accepter.

Litanie des trains qui… – ma pensée ricoche sur les non-paysages. La nuit est tombée, et j’arrive bientôt. Crissement des rails. J’ai pris mon sac dans un geste endormi – ma pensée s’est ralentie, suspendue – avec le reste. Je suis descendu absolument vide – la tête lourde de toutes mes espérances sauvages. Je quitte le quai, je rentre chez moi. Deux tours de clés – il y a maintenant bien plus qu’une porte entre nous.

Je me suis éloigné – ce qu’il fallait. J’ai toujours pas vu l’anamorphose.

lundi 7 octobre 2013

Tentatives : Dis, voguons...




Et puis ils s’écrivirent. Quelle imagination romanesque n’a pas rêvé de ces échanges, aussi chastes que possibles, où se développent, comme fleurs fragiles, les ébauches du sentiment ? Ils se créèrent un monde, le peuplèrent de  personnages fantasques et abrupts – des répliques de leurs cœurs, dévoilées en toute indécence. Ils y vécurent, avec ivresse. C’était beau comme de la littérature. 

Les personnages qu’elle se choisissait avaient toujours une saveur particulière – l’amertume du thé noir oublié quelques minutes de trop – et il y goûtait avec une soif renouvelée et un restant de crainte… Ils jouèrent, faisant comme si cela n’avait pas d’importance. Et ce fut peut-être leur drame : ils vécurent beaucoup trop d’histoires pour que la leur fût tout à fait vierge.