samedi 30 novembre 2013

Égale une épitaphe égale une préface et réciproquement. (Un peu de Corbière)

ÉPITAPHE


Sauf les amoureux commençans ou finis qui veulent commencer par la fin il y a tant de choses qui finissent par le commencement que le commencement commence à finir par être la fin la fin en sera que les amoureux et autres finiront par commencer à recommencer par ce commencement qui aura fini par n’être que la fin retournée ce qui commencera par être égal à l’éternité qui n’a ni fin ni commencement et finira par être aussi finalement égal à la rotation de la terre où l’on aura fini par ne distinguer plus où commence la fin d’où finit le commencement ce qui est toute fin de tout commencement égale à tout commencement de toute fin ce qui est le commencement final de l’infini défini par l’indéfini — Égale une épitaphe égale une préface et réciproquement
(Sagesse des nations)


Il se tua d’ardeur, ou mourut de paresse.
S’il vit, c’est par oubli ; voici ce qu’il se laisse :

— Son seul regret fut de n’être pas sa maîtresse. —

Il ne naquit par aucun bout,
Fut toujours poussé vent-de-bout,
Et fut un arlequin-ragoût,
Mélange adultère de tout.

Du je-ne-sais-quoi. — Mais ne sachant où ;
De l’or, — mais avec pas le sou ;
Des nerfs, — sans nerf. Vigueur sans force ;
De l’élan, — avec une entorse ;
De l’âme, — et pas de violon ;
De l’amour, — mais pire étalon.
— Trop de noms pour avoir un nom. —

Coureur d’idéal, — sans idée ;
Rime riche, — et jamais rimée ;
Sans avoir été, — revenu ;
Se retrouvant partout perdu.

Poète, en dépit de ses vers ;
Artiste sans art, — à l’envers,
Philosophe, — à tort à travers.

Un drôle sérieux, — pas drôle.
Acteur, il ne sut pas son rôle ;
Peintre : il jouait de la musette ;
Et musicien : de la palette.

Une tête ! — mais pas de tête ;
Trop fou pour savoir être bête ;
Prenant pour un trait le mot très.
— Ses vers faux furent ses seuls vrais.

Oiseau rare — et de pacotille ;
Très mâle … et quelquefois très fille ;
Capable de tout, — bon à rien ;
Gâchant bien le mal, mal le bien.
Prodigue comme était l’enfant
Du Testament, — sans testament.
Brave, et souvent, par peur du plat,
Mettant ses deux pieds dans le plat.

Coloriste enragé, — mais blême ;
Incompris… — surtout de lui-même ;
Il pleura, chanta juste faux ;
— Et fut un défaut sans défauts.

Ne fut quelqu’un, ni quelque chose
Son naturel était la pose.
Pas poseur, — posant pour l’unique ;
Trop naïf, étant trop cynique ;
Ne croyant à rien, croyant tout.
— Son goût était dans le dégoût.

Trop crû, — parce qu’il fut trop cuit,
Ressemblant à rien moins qu’à lui,
Il s’amusa de son ennui,
Jusqu’à s’en réveiller la nuit.
Flâneur au large, — à la dérive,
Épave qui jamais n’arrive…

Trop Soi pour se pouvoir souffrir,
L’esprit à sec et la tête ivre,
Fini, mais ne sachant finir,
Il mourut en s’attendant vivre
Et vécut, s’attendant mourir.

Ci-gît, — cœur sans cœur, mal planté,
Trop réussi — comme raté.


Tristan Corbière, Epitaphe

Précaution oratoire

Toute ressemblance avec des situations ou des personnages réels ne saurait être fortuite ... et ne saurait être significative.
Les mots sont toujours menteurs. 
Comprenez-moi bien. 

vendredi 29 novembre 2013

L'Imitation de l'Imitation de Notre-Dame la Lune

L'homme s'enivre de mythes flatteurs : il ne sait pas être à partir de rien. Il a besoin de sa petite mythologie  – peu importe sur quel point elle se place. Nous sommes tous des conteurs de fables, des inventeurs d'absolu. Jusqu'à l'épuisement.

Comment échapper alors au piège des reconfigurations, à l'illusion des heureux hasards et des destins aveuglés ?

Aussi n'échapperai-je point au piège – de quel  droit me trouverais-je différente des autres... ? Les épisodes que je conte ont été réarrangés par le souvenir – l'expérience leur a donné la cohérence qu'ils n'avaient pas de prime abord... qu'ils n'auront jamais. J'ai bien dû faire avec tout ce que je n'avais pas... et remplir les trous comme je pouvais.

Il n'y a rien de moins faux que la souffrance que m'a causée cette histoire – mais il n'y a rien de moins vrai que cette histoire.

mardi 26 novembre 2013

Direction

C'est un désert d'absurde, une lande irraisonnée.
Pour la première fois depuis longtemps, je veux faire table rase.
Pendant des mois, je me suis volontairement assourdie. Encore maintenant, je cours après les mots, avec une soif, un élan, que je comprends mal. Surtout ne jamais s'arrêter – ou s'épuiser assez pour que le vide s'installe... mais un vide vague et morne, comme une pause – un sursis.
Sans surprise, les mots ne viennent plus : je me noie avec trop de complaisance dans l'éphémère et l'accessoire pour parvenir ensuite à  réellement dire quelque chose.
Mais là, d'un coup, je voudrais un pays tout à moi pour hurler tout ce que j'ai sur le cœur. Et puis après l'écho, l'applaudissement du silence... Dans le genre beau et terrible, tout ça.
Sans doute m'assourdirai-je encore – je ne puis prêter l'oreille à tout à la fois.
Mais c'est une volonté nouvelle qui s'ébauche, un élan tout simple – fort craintif encore.
Cela viendra.