jeudi 25 septembre 2014

Le Théâtre des adieux

Sous les lumières des lampions de carnaval, ton sourire a quelque chose du faune.

Dans l'ivresse de la danse, j'ai cru pouvoir  te retenir. Je n'avais pas compris que l'amour durait, le temps d'un éclair — et puis la nuit ! — et qu'il fallait l'accepter tel qu'il était. Sur les reflets du pavé, tes jupons ont souri... et j'ai suivi ton ombre, bien des fois -- ton souvenir -- dans le labyrinthe des rues noires. Mon chapeau s'y constellait parfois de rosée.

N'aie crainte, pourtant : je t'ai réservé une place de choix dans les allées et venues de ma mémoire -- où tu erres toujours, en habit de veuve, pareille au jour où nous nous sommes rencontrées. Mes yeux parcourent, lentement, les sentiers du cimetière où tu aimais passer, et la tombe fraîche, devant moi, est comme une promesse que l'on a figée dans le marbre.  Je porte sur mon dos un lourd cube blanc et noir qui, sous un certain angle, ressemblerait à un dé. Je l'ai ainsi charrié, triste et absurde, à l'ombre des statues -- j'étais devenu l'esclave oublié des secondes chances et des paradis perdus. Je me suis échiné, comme j'ai pu, pour attendrir le génie des lieux... Mais en vain.

Un jour, peu après que tu sois partie, je suis tombé, par hasard, devant une vitrine d'antiquaire, où trônait un vieux pistolet. Je questionnai le commerçant, qui me compte qu'avec, s'était emporté la cervelle un pauvre fou du siècle passé. Je l'achetai avec mes dernières économies, et me convoquai moi-même pour un duel au pistolet...

Mais, relâche !  Je continue mon errance. Longtemps, sans même le savoir, tu en as été le phare. Mais cela ne doit plus durer. Il faut bien achever, alors... Je t'ai envoyé, douce, le velours et l'arme redoutée. Tu en feras assurément meilleur usage que moi.
Les balles ne peuvent rien contre les fantômes, et ne sont pas nécessaires pour faire saigner au Théâtre.

Adieu,

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