mardi 12 août 2014

Deux pages

Le clown est grotesque — il est digne.
Sa veste sourit et brille au soleil...
Sous la poussière étalée
Comme un blanc maquillage qui s'empêtre
Dans les sourires de maladresse.

J'aimais d'amour le pauvre Pierrot de mes chansons d'enfant. Tombé — c'est tout ! — avec son air...
D'hydrocéphale asperge, comme dit le poète.
Je l'ai retrouvé, sensiblement, dans l’œil mélancolique du débile notoire, dans la gestuelle vacillante de l'ivrogne et du paresseux. Plus peut-être que dans la mise soignée et brillante du clown blanc.

Et puis, triste peut-être d'avoir été oublié, le non-Paillasse, le grand Monsieur blanc et digne, première victime et premier bourreau, m'a regardée de son grand œil noir...
Et moi... ? Bien sûr... Et lui ?

J'ai compris alors qu'ils étaient tous deux les avatars nouveaux de l'histrion sinistre, du blanc Pierrot. Ils en avaient pris, tour à tour les fonctions et l'apparence. Monsieur l'enfariné a revêtu son romantique vague-à-l'âme, son œil chagrin, sa blancheur de terre... L'autre se fait molester, comme lui autrefois, par la force des choses... Il est la victime de l'instant
— de toujours. Il souffre, et lui comme nous... ne peut s'empêcher de trouver ça drôle.

J'aimerais, comme l'Auguste-personne, pouvoir rire aux éclats de mes malheurs. Ne plus être cette silhouette droite et raide qui rationalise, l'air sérieux, sur les menus tracas de la vie. Ce personnage-là est aussi ridicule que l'autre - et je crois que s'il s'y attache tant, à le poursuivre et le contrôler, c'est qu'il l'aime au fond - c'est peut-être même qu'il l'envie.

L'Auguste a fait un art de la chute, une esthétique du ridicule. Il a pris la déchéance à bras-le-corps, et il a ri avec elle, en la regardant au fond des yeux. Qu'est la dignité du clown blanc, de Monsieur Monde, qui le sermonne... ?

Je n'aime que son silence, parfois, dans ce qu'il a de triste et de dépossédé.

Mais, silence... ! Auguste tombe.

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