mardi 22 octobre 2013

Miroir sans teint

J'ai commencé à lire, dernièrement, un de ces livres légers qu'on dirait écrits au fil de l'eau. J'ai tenu deux chapitres, avant de songer que le roman m'était tout à fait indifférent. À présent, il repose, un peu loin de moi - et déjà je me demande : vais-je le continuer... ? Ça n'est pas la première fois que cela m'arrive. Il me semblait pourtant que j'aimais ce genre de littérature... Qu'y a-t-il dans le destin de tous ces très jeunes hommes – catalogue de poses – qui m'éloigne presque malgré moi ? Mes romans préférés ne sont-ils pas tous des initiations amoureuses ? N'ai-je pas moi-même dans l'idée de conter par le menu les petites aventures d'André de Ferval, le dernier de la dynastie – si j'ose dire... ? 

Puis cela a pris tout son sens, d'un seul coup. Peut-être même ai-je cerné, a posteriori, ce qui me déplaisait dans mes propres tentatives. L'art de la désinvolture est bien plus difficile à maîtriser qu'on ne le pense et à trop voiler sa sensibilité, on éloigne le lecteur en voulant être détachés nous-mêmes. On l'a enfermé dehors – pas de chance ! – dans un point de vue nécessaire lointain, toujours railleur... et sans affection pour le pauvre personnage qui s'agite, au loin, dans son bocal - fût-il de très bonne volonté.

L'excès de pathos est malheureux, et le mélodrame est passé de mode - du moins aimerions-nous que ce soit le cas. Mais la pudeur du sentiment peut mener à l'excès inverse. À trop minimiser l'impact - la résonance – que les événements eurent en moi, ne suis-je pas en train de les affadir ou de les effacer... ? Je n'aime rien de plus que les émotions estompées – beauté du paysage que l'on devine magnifique derrière ses brumes - mais ne risqué-je point de le faire disparaître et d'égarer mon lecteur ? Derrière le brouillard, peut-être n'y a-t-il rien ; pourquoi poursuivre, puisqu'il fait si froid autour ? Rentrons, cela vaudra mieux... Peut-être que si je ne m'attache pas aux heurts sentimentaux de Jacques de Meillan ou de Guinoiseau, c'est parce que je ne les décèle plus qu'à peine, sous l'ironie et la blague... Et à force de me que tout cela n'a pas d'importance, j'ai bien peur que le narrateur m'en persuade... N'était-ce point le but, pourtant, de ce détachement forcé ? Peut-être... Peut-être aussi cela n'a-t-il de sens que lorsque c'est un mauvais mensonge... un mensonge auquel on ne croit jamais tout à fait. Rien ne me touche plus que ce voilement léger, cette pudeur douceâtre, cette ironique tragique... si celles-ci cachent quelque chose. Je n'aime rire des ridicules de Vallonges que lorsqu'intérieurement, il meurt d'amour ou d'amertume – au moins un petit peu.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire